43. La Duché de Normandie
Chant de la Renaissance, France. Tiré du Manuscrit de Bayeux (XVe siècle).
1. À la Duché de Normendye Il y a si grand pillerie Que l'on y peult avoir foyson. Dieu doint qu'elle soit apaisie Ou il fauldra que l'on s'enfuye Et laisser chacun sa maison. Quand à moy je n'y seray plus Car il n'y a point d'aisement Pour la doubte des court vestus Qui nous viennent voir trop souvent. 2. Ilz viennent par grand ruderie Demander ce que n'avons mye Et nous donnent mainct horion. Encor fault-il que l'on leur die: "Mes bons seigneurs, je vous en prie, Prenez tout ce que nous avon." Je leur donnasse volluntiers Se je pensoye avoir de quoy. Maiz, sur ma foy, tous mes deniers Et tout mon bien est hors de moy. 3. Je ne puys faire courtoysie Car povreté me contrarie Et me tient en subjection. Je n'ay plus amy ne amye, En France ne en Normendye, Qui me donnast ung porion. Dieu vueille mectre bonne paix Par toute la crestienté, Mais que ce soit à tout jamaiz Si vivrons tous en loyauté. 4. Se crestienté fust unye, Nous menassions joyeuse vye Et mectrion tristesse em prison Ceux par qui c'est, Dieu lez mauldie, Et aussi la Vierge Marie, Sans avoir jamais guerison.
Sources:
– BNF Manuscrit de Bayeux “Chansons normandes du XVe siècle” , pages 3v et 4r.
– https://archive.org/details/lemanuscritdebay00gr/page/2/mode/2up
Définitions:
– aisement: 1° commodité, possibilité ; ou 2° affaire, possession
– doubte: crainte, peur
– ce que n’avons mye: ce que nous n’avons même plus
– horion: coup violent
– porion: poireau
– nous menassions: nous mènerions (idem pour les autres verbes; la syntaxe du subjonctif imparfait semble être utilisée pour le conditionnel, comme dans l’expression “il eût fallu”)
– ceux par qui c’est, Dieu les mauldie : ceux par qui cette situation est arrivée, que Dieu les maudisse !